samedi 6 juin 2009

Les élucubrations du trésor américain

Les Etats-Unis projettent un déficit de 13% du GDP cette année. Selon Wikipedia l'augmentation de la dette en 2009 sera à peine inférieure aux recettes fiscales: $2,7 trillions contre $2.56 trillions. Ces données sont provisoires et optimistes. Tout comme les projections grotesques de Geithner qui voient le déficit à 3% du GDP à nouveau dans quelques années (voir graphe ci-dessous). Les Etats-Unis ont fait banqueroute, il ne suffit plus que de dire "le roi est nu". Le problème c'est que pour l'instant il n'y que El Blogo qui le dise clairement.

Quand tout le monde commencera à comprendre qu'à force de vouloir préserver les banques (le rebond boursier n'est pas autre chose que la conséquence de l'afflux d'argent public dans les sociétés financières), le déficit 2010 sera en fait pire que 2009 et que le graphe ci-dessous n'est que de la poudre aux yeux, il va y avoir un vrai vent de panique.

Alors évidemment, la bourse aura tenu 6 ou 12 mois de plus... L'aggravation est cependant inéluctable et prévisible, exactement comme la crise du subprime. Et le public est toujours plongé dans la même ignorance crasse. Pourtant, maintenant, on ne peut pas dire qu'on ne sait pas où il faut regarder...

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Pot Pourri

La FED ne peut pas perdre. Il semble qu'elle soit sur le point d'hériter de beaucoup des prérogatives de la SEC. Cette dernière n'a pas brillé pendant la crise mais elle n'a pas l'honneur de l'avoir causée comme la FED. Evidemment, avec Larry et Timmy aux manettes, on ne pouvait sans doute pas espérer mieux.

Le frisson Obama. J'ai appris que j'avais frôlé Michelle, Sasha et Malia quand elles sont venues visiter la tour eiffel hier soir. C'était presque aussi incroyable que de rencontrer Camélia Jordana. Aujourd'hui, il y a un ballet d'hélicoptères continuel au-dessus de Paris. C'est bien simple: j'ai l'impression d'être à Manhattan. Pour finir sur ce séjour en France d'Obama, on dit que le séjour est court mais n'est-ce pas une sanction contre l'empressement de Sarkozy? Il a évincé la reine en dépit de la demande de son invité: le retour de bâton est compréhensible. Dicton légèrement modifié: "Qui trop étreint, mal embrasse".

Cela date un peu déjà mais le gouvernement anglais n'a pas voulu rendre public les résultats des stress-tests locaux de peur que "cela ne crée de l'instabilité sur les marchés". Rassurant. Formule exacte: "Disclosure of the results “at this time may lead to uncertainty in financial markets, either in relation to specific institutions or more generally,” the Treasury said"

Bill Gross, le pape du marché des obligations américaines, prédit un abaissement de la dette AAA américaine mais "dans longtemps". Je suis d'accord car avant que cela ne se produise, il faudra d'abord que toutes les notes des autres pays soient abaissées. Et cela a évidemment plus à voir avec la nationalité des agences qu'avec la véritable santé économique des Etats-Unis.

La phase 2 de la crise. Nous sommes désormais dans une autre phase de la crise. Les banques étant partout peu ou prou garanties par les Etats, on ne peut plus redouter la faillite d'une banque. Il est venu le temps, non pas des cathédrales, mais des crises monétaires. Il n'est cependant pas impossible que ce soit à la faveur des annonces d'une ou plusieurs banques que ces crises se déclenchent.

Arlette Chabot et les sondages

Un point particulier a attiré mon attention dans la série de petits extraits que j'ai vus de l'émission d'Arlette Chabot qui est partie en vrille jeudi soir. Bayrou a fait dans la "conspiracy theory" en disant qu'un sondage commandité par des chaînes publiques et "Le Monde" pouvait avoir eu pour objectif de le faire apparaître dans une position affaiblie juste avant l'élection. Arlette Chabot est consternée par cette mise en cause de l'intégrité des sondeurs et de la chaîne.

C'est au coeur d'une question que je me pose souvent: quel crédit accorder aux sondages en général?

J'ai une réponse simple: les sondages forment l'opinion au même titre que la télé ou les journaux. Il n'y donc aucune raison qu'ils ne soient pas soumis aux mêmes jeux d'influences que ceux-ci. Mais il y a la rigueur scientifique me direz-vous. Les agences de notation ont démontré que dans ce genre d'interaction, c'est le commanditaire qui fait la loi. Alors tous pourris les sondeurs? Non, mais comme lorsqu'on lit des journaux, je pense que la vigilance est de mise. Je n'imagine pas qu'un grand institut de sondage français puisse vous laisser choisir les résultats d'un sondage pourvu que vous le payiez. En revanche, jouer sur les marges d'incertitude statistique, manipuler les questions pour obtenir les réponses souhaitées sont à mon avis monnaie courante. Et puis si le sondage gêne on peut toujours ne pas le publier.

En gros, même si je ne soutiens pas Bayrou, le schéma qu'il décrit ne me paraît pas "ridicule" comme semble vouloir nous en persuader Arlette Chabot (il ne me paraît pas du tout "certain" non plus). Qu'à l'approche d'une élection, certains instituts s'emballent et qu'ils servent la soupe à des conseillers politiques amis ne me paraît pas hors de question comme semble le croire Arlette Chabot. Savoir si les élection européennes et Bayrou nécessitent ce genre d'intervention est plus difficile. Si c'est le cas, on se demande si un sondage TF1/Le Figaro n'est pas un véhicule plus naturel à une attaque Sarkozyste anti-Bayrou qu'un sondage Le Monde/Chaînes publiques.

Quoi qu'il en soit, ce que veut Arlette Chabot, c'est que le téléspectateur s'indigne avec elle qu'on puisse remettre en cause des institutions (au sens large) comme France 2, Le Monde et un institut de sondage. Cette demande est exorbitante. Une bonne dose de scepticisme et d'esprit critique chez les citoyens est un ingrédient essentiel de la démocratie. Le respect des institutions et la confiance que la société ont en elles permettent la vie en société. Mais ces institutions doivent prouver chaque jour au peuple qu'elles sont à la hauteur de la confiance qu'il leur porte. La confiance aveugle qui plairait à Mme Chabot est mauvaise conseillère (les banques aux Etats-Unis en sont un exemple mais à une moindre échelle, Enron ou le Crédit Lyonnais en sont d'autres exemples). Alors oui, on peut soupçonner un institut de sondage et ses commanditaires de collusion avec des intérêts politiques. On peut aussi plus prosaïquement les soupçonner de nullité comme en 2002 où le scénario de la présidentielle n'avait été ne serait-ce qu'envisagé par aucune d'entre elles (si je me souviens bien).

Arlette Chabot doit donc réaliser qu'aucune institution n'a le droit à une confiance inconditionnelle et que nous traversons précisément une période où, à juste titre devant leurs échecs patents, beaucoup d'entre elles pourraient voir leurs statuts et leur rôle contestés. Evidemment, le credo du blogo est que c'est beaucoup plus le cas aux Etats-Unis mais certaines évolutions récentes en France invite à toujours plus de vigilance (le cliché éculé n'est-il pas que les Etats-Unis ont vingt ans d'avance sur nous?).

Note: Les sondages ont un rôle complètement stratégique quand une campagne de propagande tente de gagner l'opinion à une cause comme ce fut le cas en 2003 sur l'Irak aux Etats-Unis. A ce moment là, j'avais vu de visu que le Washington Post avait manipulé sans vergogne des résultats (en allant sur le site de gallup, on constatait que les chiffres bruts étaient en contradiction avec l'article en rendant compte). Surtout, après les manifestations massives du 15 février, il y a eu une période très longue (au moins une semaine si je me souviens bien) où aucun sondage n'avait été publié.
Paradoxalement, cette expérience renforce plutôt mon image des sondages: si on ne les publie pas quand ils gênent, cela veut bien dire qu'on ne peut pas purement et simplement en acheter les résultats. On ne peut cependant généraliser et il en va très probablement des sondages comme du reste: selon les pays, les époques et les sujets, ils sont le résultat d'un processus parfois très intègre, parfois moins.

Richard Fisher à la FED de Dallas

Article sur Richard Fisher, Président de la FED de Dallas. Il affiche son opposition à la monétisation de la dette qui a commencé avec le rachat de $300 milliards de treasuries par la FED. Il dévoile qu'avant chaque meeting de la FED qui détermine sa politique, il contacte 50 CEOs aux Etats-Unis et dans le monde pour prendre le pouls de l'économie. Quel pourcentage de banques, Mr Fisher? Pourquoi ne pas appeler des responsables politiques, administratifs, syndicaux ou des "community organizers"? Eux pourraient vous dire si le marché immobilier est devenu fou par exemple... Il nous dit aussi que de tout temps, les politiciens ont recouru à l'inflation pour effacer des dettes devenues trop importantes et qu' "on ne peut laisser ça arriver". Ca fait sourire.

"Throughout history," he says, "what the political class has done is they have turned to the central bank to print their way out of an unfunded liability. We can't let that happen. That's when you open the floodgates. So I hope and I pray that our political leaders will just have to take this bull by the horns at some point. You can't run away from it."

Good luck with that.

Le grand écart d'Obama

Lors de la cérémonie de signature d'une loi, Obama rappelle doctement que "son équipe est là pour servir le peuple américain contre les intérêts particuliers". Le problème est que la loi en question a cédé précisément à ces intérêts particuliers dans une de ses dispositions majeures, n'autorisant finalement pas à un juge de modifier un emprunt hypothécaire. "Media Matters", une organisation "watchdog" des médias dénonce ici la manière dont le NYT a traité le sujet: pro-banques jusqu'à ce que la loi passe et dénonçant cette concession seulement après le passage de la loi. (via Atrios)

NYT:

As he often does, President Obama took the opportunity in a bill-signing ceremony last month to remind Congress "to do what we were actually sent here to do -- and that is to stand up to the special interests, and stand up for the American people."

But Mr. Obama did not mention that the measure he was signing, the Helping Families Save Their Homes Act, was missing its centerpiece: a change in bankruptcy law he once championed that would have given judges the power to lower the amount owed on a home loan.

It had been stripped out three weeks earlier in a showdown between Senate Democrats and the nation's banks, including many that are getting big government bailouts.


Addendum: toujours dans la catégorie "liberal media": pourquoi Liz Cheney (la fille) passe-t-elle autant à la télé?

L'indispensable Glenn Greenwald

Greenwald met en parallèle la demande d'Hillary Clinton aux autorités chinoises d'ouvrir une enquête sur Tiananmen et les agissements des Etats-Unis ces dernières années. En particulier les efforts frénétiques conjoints de l'administration et du congrès pour éviter une enquête sur la torture sous le "Bush Regime". Ames sensibles s'abstenir: c'est une boucherie.