samedi 18 avril 2009

Sarkozy et la titrisation

"Il faut la faire repartir". C'est ce qu'a dit Sarkozy sur la titrisation lors du déjeuner dont les médias du monde entier se font les gorges chaudes (et c'est beaucoup plus important que les remarques montées en épingle sur Zapatero et Obama).

Selon Libération, il aurait répondu à Emmanuelli qui objectait «Henri, toi qui as été banquier, tu le sais très bien. La titrisation a permis le développement du monde depuis vingt ans».

C'est justement ça le problème... Les dirigeants politiques ont l'impression que la titrisation a permis l'essentiel de la croissance récente. Ils soupèsent 20 ans de croissance contre 18 mois de crise et la balance penche encore en faveur de la croissance selon eux. Rendez-vous dans 3 ans. On verra alors si le modèle de croissance par la titrisation est vraiment souhaitable. C'est probablement ce que leur sussurent à l'oreille des banquiers soucieux de cacher l'étendue du désastre pour préserver leurs postes: "Vous voulez de la croissance pour être réélus? Titrisons, titrisons et titrisons encore!".

Il ne faut pas "relancer" cette machine infernale. Il est vraiment extrêmement décourageant que les dirigeants du monde (Sarkozy adhère sûrement à un consensus puisque le plan américain est complètement sur cette ligne de relance de la titrisation) n'aient pas au moins des doutes sur ce système. J'espérais que les allemands et les français (et les autres) avaient plus de hauteur de vue sur la question.

Alors quoi? Faut-il que l'Europe continentale qui était en retrait se mette à titriser jusqu'à plus soif? Va-t-on vers une loi favorisant la titrisation en France? On croit vraiment rêver... Les américains ont toujours cette capacité à nous faire avaler n'importe quoi! La titrisation est un système d'allocation du capital vicié car celui qui prête n'est pas intéressé au remboursement de l'emprunteur. Si personne en France ne comprend que ce discours pro-titrisation est une dernière arnaque de banquiers américains désespérés pour gagner un peu de temps et garder leurs jobs jusqu'au prochain bonus, on est pas rendus. Les américains ont planté l'économie mondiale en titrisant à tour de bras mais la morale de l'histoire n'est pas que le système bancaire américain doit revenir à des pratiques plus conservatrices à l'européenne, c'est qu'il faut "relancer la titrisation". Même Obama a parlé de "croissance factice" ("paper growth") sur Jay Leno. Comment Sarkozy peut-il défendre un système failli qui n'est même pas prédominant en France? Il aurait au contraire toutes les raisons de donner des leçons de conservatisme financier aux américains. Si l'idée qui ressort du G20 est que les "20" doivent aider à relancer la titrisation car cela permet la croissance, l'heure est vraiment très très grave.

C'est en tout cas une raison de plus pour que beaucoup de têtes tombent dans la finance américaine. Les mêmes ne pourront jamais se réformer et revenir sur leurs erreurs. Ils ne sauront que maximiser leur bonus en persuadant les politiques qu'il n'y a pas d'autres solutions que de continuer comme avant, aux frais du contribuable.

La titrisation est le problème. Pas la solution.*

* Sauf à inventer de nouvelles techniques de titrisation radicalement différentes mais Sarkozy n'a pas fait mention de la nécessité d'un tel préalable.

Friday Plane Blogging


Encore raté... Voici donc le FPB avec un jour de retard. Merci au lecteur qui m'a fait remarquer cet oubli. Décollage de Los Angeles.