mardi 30 juin 2009

Roubini sur la Blogo Compliant List

Vous vous souvenez peut-être que j'avais passé son cas en revue et que j'hésitais car je le trouvais un peu indulgent avec le système bancaire et Geithner en particulier. Je lui prêtais l'intention de préserver ses chances de travailler un jour pour Obama. Dans sa newsletter, il déclare que le processus de fin de la domination du dollar a commencé. Welcome on the BCL, Nouriel.

Nouriel Roubini: The process that will lead - in the medium to long term - to a challenge of the U.S. dollar as the major global reserve currency has started. The U.S. creditors - the BRICs, the Gulf states and others - are becoming increasingly alarmed that the U.S. will deal with its unsustainable fiscal path via inflation and debasement of the value of the U.S. dollar via depreciation. So they will not sit idly waiting for this to happen: they are already diversifying into gold, into resources (as China purchases mines and energy, mineral and commodity resources all over the world)

Goldman Sachs bashing (avec de l'extra violence!)

Matt Taibbi se paye Goldman Sachs dans Rolling Stones Magazine (pas dans le NYT!). Ce long article n'est pas encore disponible sous un format très lisible. Il est long mais il mérite d'être lu ( il est en anglais).

Des années 20 au TARP en passant par la bulle internet et la bulle de l'immobilier, tout y passe. On est souvent tenté de remplacer "Goldman" par "Wall Street" dans l'article mais il faut bien reconnaître que s'il y a un barycentre des pôles de décision dans la sphère politico-financière (en incluant dans le mix la FED, le gouvernement et le congrès qui font désormais "compte commun" avec le système bancaire), il ne peut pas raisonnablement être très éloigné de 85, Broad Street*. Dans cet ensemble, Goldman a une place complètement centrale. Que ce soit en termes de résultats financiers, d'appuis politiques ou de soutiens médiatiques, Goldman est "second to none" (en première position). Rôle central illustré par exemple par la présence incongrue de son CEO en septembre 2008 dans une réunion sur le sauvetage d'AIG entre le gouvernement, la FED et les régulateurs. Ce sauvetage a été opéré selon des modalités qui allaient faire de GS son premier bénéficiaire ($13 milliards).

Selon Taibbi, tout est la faute de Goldman. Et si d'autres étaient également responsables, Goldman est encore plus coupable car ils ne se sont pas faits avoir. Alors excessif et délirant? Not so fast... Dans des marchés financiers qui déboussolent à peu près tout le monde, l'idée que le chaos puisse être organisé et que des firmes passent systématiquement par "la case départ en touchant 20,000 francs" est répandue. La crise a démontré que Wall Street n'a pas de fondations éthiques (contrairement à ce que voulait nous faire croire le conte moral relaté en 1987 dans le film éponyme qui a décidément vieilli). Les ententes, les manipulations de cours, les fraudes, la corruption y sont monnaie courante et presque jamais sanctionnées. Sans parler de l'extorsion pure et simple de fonds du gouvernement dans des proportions irréelles quand le besoin s'en est fait sentir. La SEC et les autres régulateurs sont des tigres de papier (Madoff, subprime etc...).

La crise aurait dû être l'occasion de la remise à plat de Wall Street et de son institution phare, Goldman Sachs. Leurs agissements ont causé assez de désolation pour justifier un examen plus approfondi que l'admiration béate que nous propose le tryptique (WSJ, FT, The Economist qui n'ont cessé de nous présenter depuis des années les responsables de la sphère financière comme des divinités grecques, des directeurs de la FED aux CEOs de banques). Plus d'articles critiques comme celui de Taibbi permettraient de créer le soutien nécessaire à la restructuration du système bancaire devenu un énorme boulet pour la démocratie américaine (et le contribuable). Pour l'instant, la crise a plutôt renforcé les (nombreux) acteurs qui ont été secourus en créant un magma comptable dans lequel on ne peut plus distinguer la dette des banques et la dette de l'Etat. Avec le trésor de guerre accumulé par les banques (et les banquiers) ces dernières années, il est clair qu'elles ont les moyens de faire la pluie et le beau temps à Washington pendant encore un certain temps. La crise s'aggravera-t-elle assez pour que l'Etat restructure finalement les institutions financières** et qu'on revienne à un système fonctionnant plus ou moins comme dans la période 1945-1985?

Si cela ne se produit pas, on peut compter sur les banques livrées à nouveau à elles-mêmes pour générer une nouvelle crise plus grave dans quelques années qui aboutira cette fois-ci aux restructurations et à l'assainissement nécessaires. La thèse du Blogo est que cette crise est "la bonne", celle qui va obliger à la réforme. Si cela s'avère vrai, ça n'est bien évidemment pas une bonne nouvelle car seule une crise très grave peut déstabiliser un système financier qui a une telle emprise sur le pouvoir politique. Comme le montre le sauvetage des banques, il est clair que la structure de pouvoir ne se rendra pas sans combattre et que sa déstabilisation apparaît comme une proposition politique très risquée. Il n'en demeure pas moins que ce genre de séïsme arrive comme l'a prouvé la fin de l'empire soviétique (ce sont bien les structures de l'empire américain qui sont testées aujourd'hui - notamment son financement par la dette en particulier de son armée).

*adresse de GS.
** La non-restructuration n'est pas forcément un mauvais choix pour l'instant du point de vue américain: que resterait-il de la puissance américaine (ie: de sa capacité à attirer des capitaux) si l'Etat avait été honnête sur la situation de l'industrie bancaire en l'envoyant à la casse? Le "rêve américain" des investisseurs n'y aurait sans doute pas résisté et les Etats-Unis auraient sans doute déjà connu une grave crise de financement (et nous aussi probablement). Les américains ont tout intérêt à maintenir les apparences le plus longtemps possible. La réforme ne pourra venir que de l'extérieur quand les créditeurs tireront l'échelle. Ne comptons pas sur les américains pour donner le coup de pied de l'âne à un système dont ils sont les bénéficiaires. Les MSM (vieux médias) nous disent que cette crise systémique a été évitée. El Blogo maintient qu'elle n'a été que repoussée. Pour combien de temps? J'avais mis beaucoup de jetons sur l'année 2009 et sur le premier semestre en particulier (qui se termine aujourd'hui... raté). Stay tuned.

La FED fuite...

Il semble que la FED fuite (ses communiqués sont précédés d'interventions substantielles sur les marchés quelques minutes avant). Rien de très surprenant pour une institution qui est au centre des déboires de l'économie mondiale. Il n'y a évidemment pas de réaction de la SEC, à l'américaine!

dimanche 28 juin 2009

Post-It

Les banques s'organisent autour d'une association, le SIFMA, pour lancer une opération de relations publiques pour améliorer leur image. Ca va être marrant d'essayer d'identifier les articles qui seront une conséquence directe de cet effort.

L'inflation prédite partout (sur le blogo aussi) n'arrive pas toujours pas.

La FED n'intéressait pas les lobbyists dans le passé. Maintenant qu'elle fait la pluie et le beau temps sur les marchés en décidant quelles obligations sont autorisées ou non dans ses programmes (TARP TALF PPIP and all this alphabet soup), les lobbyists fondent sur elle comme le décrit Caroline Baum de Bloomberg News. Cela me rappelle une émission de feu "La 5" de Berlusconi: "Mondo Dingo" (c'est pas beau l'internet? voir ci-dessous).

samedi 27 juin 2009

La face cachée du TARP

Vous vous souvenez que quand Paulson a fait passer le TARP (chèque en blanc pour Wall Street qui tenait sur trois pages...) devant le congrès en octobre dernier, il s'est d'abord fait retoquer par la chambre des représentants (le sénat, plus corrompu, ne s'est pas joint à cette opposition). La demande de Paulson était assez extravagante pour que les représentants la rejettent.

Deux semaines après, le TARP était accepté après une grosse pression médiatique pro-banques (dans le goût "nous allons tous mourir très prochainement si les banques ne sont pas innondées d'argent public" ou à peu près). Il s'avère que la seule pression médiatique n'y a pas suffi et que les votes ont été gagné à l'américaine, représentant par représentant, chacun monnayant son vote contre des dépenses bénéficiant à leurs soutiens de campagne (pas à leurs électeurs bien évidemment...).

Bloomberg évalue à $150 milliards les "tax breaks" (baisses d'impôts) qui ont été nécessaires pour faire passer les $700 milliards du TARP. On sera donc rassuré de voir que les dépenses insensées réalisées pour le sauvetage du banque n'ont été possibles qu'en autorisant en loucedé core plus de dépenses. $7 pour les banques coûtent ainsi $1,5 pour tous les autres lobbies. On se demande vraiment pourquoi plus de voix ne se font pas entendre pour exiger qu'il soit mis fin à l'impérium financier américain sur le monde quand on voit la réalité du fonctionnement du système politique. Cela montre également à quel point l'idée de responsabilité est éloignée des politiques américains: frappé par une crise financière qui, de manière évidente, annonce une période de vache maigre, les mesures de sauvetage du système (bonnes ou mauvaises - en l'occurrence mauvaises selon le blogo) sont l'occasion de diminuer encore les ressources de l'Etat. C'est toujours l'idéologie des trente dernières années de "la baisse d'impôts favorisant la croissance" qui domine. Son corollaire, la dette, est caché sous le tapis (qui commence à avoir une forme bombée).

Extrait de la news bloom:
The hurried legislation adopted by a Congress voting under the threat of sudden global economic collapse led to hidden tax breaks for firms in dozens of industries. They included builders of Nascar auto-racing tracks, restaurant chains such as Burger King Holdings Inc., movie and television producers — and London’s Diageo.

“It’s kind of like the magician’s sleight of hand,” says former House Ways and Means Committee Chairman William Thomas, a California Republican who ran the committee from 2001 to 2007 and oversaw all tax legislation. “They snuck these things in a bill that was focused on other things.”

Congress inserted the tax benefits for companies other than banks in a fog of confusion and panic after the House of Representatives rejected the first attempt to fund the bank support effort urged by then President George W. Bush and Treasury Secretary Henry Paulson

CRA et subprime

Le "Orange County Register" publie un article infirmant la thèse propagée par Wall Street en septembre dernier selon laquelle une régulation contraignant les banques à prêter dans des communautés moins favorisées (CRA - Community Reinvestment Act) était à l'origine des difficultés du subprime et de la crise financière. Il s'agissait à l'époque de rejeter la responsabilité de de la crise de manière voilée sur les minorités prépondérantes dans ces communautés. L'idée que les banques se soient laissées embarquer dans le "predatory lending" (prêts prédateurs) à cause d'un programme d'aide aux minorités était évidemment risible (il n'y a qu'à voir les forces en présence au congrès pour s'en persuader - l'argent du bailout ne s'est pas déversé sur les minorités, je vous l'assure).

Cet article remet les choses à leur place et met probablement aussi le doigt sur une campagne médiatique qu'il serait probablement intéressant d'analyser (éditorial du WSJ, Larry Kudlow sur CNBC... Où cet élément de désinformation est-il né? Qui l'a propagé? Quel a été son impact dans la déflection des reproches contre Wall Street alors qu'AIG, Lehman et Fannie Freddie périclitaient et que Paulson préparait le plus grand détournement de fonds de l'histoire?). Another day on Wall Street... (via The Big Picture)

Obama aussi opaque que Bush dans de nombreux domaines

Cela n'a pas échappé à Bob Herbert du New York Times qui l'erreinte dans un op-ed.

Ni à Jon Stewart:
The Daily Show With Jon StewartMon - Thurs 11p / 10c
Cheney Predacted
thedailyshow.com
Daily Show
Full Episodes
Political HumorJason Jones in Iran

vendredi 26 juin 2009

Friday Plane Blogging

A380 en croisière. (cliquez pour agrandir)

Michael Jackson est mort

Je dois dire que je ne me sens pas très souvent affecté par la mort de célébrités mais là, c'est un peu spécial. Pour la postérité.

jeudi 25 juin 2009

La dislocation du marché de l'immobilier US (suite)

Post d'Atrios qui fait écho à une vieille idée du blogo:

Free Rent

Loan servicers just aren't equipped to handle this many foreclosures.
-Atrios 12:48

Comments (313)

Traduction: les administrateurs d'emprunts immobiliers ne sont pas équipés pour gérer un tel nombre d'expropriations. Le lien va vers un article expliquant que des gens ayant quitté leur maison ne sont pas expropriés car personne ne s'occupe du dossier.

C'est une thèse défendue par le Blogo depuis longtemps: le marché de l'immobilier américain ne fait pas que baisser, il se disloque. Le système (pas sympathique mais crucial) qui fait qu'un individu qui arrête de payer son emprunt se fait exproprier est complètement engorgé. Dès lors, le non-paiement n'entraîne plus de sanction.

Les problèmes sont alors bien plus préoccupants qu'une simple baisse des prix (pourtant gravissime dans les proportions actuelles). On entre peu à peu dans une situation de non-droit où les contrats ne peuvent plus être respectés. Les banques n'arrivent plus à se réapproprier assez vite les propriétés, les emprunteurs ne quittent plus les lieux. C'est déjà comme ça que se terminait la confession du journaliste du NYT qui avait sombré dans l'engrenage du subprime suite à un divorce: il attendait depuis 8 mois que la banque lui propose quelque chose mais on lui répondait qu'elle était débordée.

Toutes les ressources privées qui ont permis de gérer administrativement le boom se nourrissaient (très grassement) sur la bête. Le crash ne génère évidemment pas les mêmes profits et on ne peut compter sur le secteur privé pour en administrer les conséquences (comme les expropriations massives). L'Etat est lui trop lent dans sa réflexion: il aurait évidemment dû créer une "administration de l'immobilier" qui empêche de laisser ce marché sombrer dans l'anarchie avec une partie de l'argent qui a été donné à Wall Street. Si Obama croit que Wall Street va faire du "service public" et dépenser de l'argent (possiblement distribuable en bonus!) dans le but d'assurer la stabilité du pays, il n'a rien compris à l'histoire récente...

On est un peu comme dans une ville après une coupure d'électricité (mémoire du black-out de 24H00 à NYC en août 2003): quelqu'un défonce une vitrine et se sert dans un magasin. La police complètement débordée ne se manifeste pas. Deux, trois, puis bientôt dix autres passants vont piquer dans le magasin. On a alors le sentiment bizarre que tout peut basculer.

Le problème est qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une coupure d'électricité mais de la faillite d'institutions critiques: Etat, Banques, médias. Pendant dix ans, elles ont laissé se créer une situation qui allait mettre à la rue des millions d'américains dans une période de temps assez courte pour risquer la cassure du marché de l'immobilier. Il n'est donc pas question de mettre cette rupture du cadre légal sur le dos des citoyens. Elle a d'ailleurs l'avantage d'éviter qu'une partie de la population se retrouve dans des tentes de fortune alors que des millions de maisons sont vides (le squattage est une autre solution que "la nature" a trouvé contre ce problème). Déterminer jusqu'où ces dérèglements peuvent aller et quelles politiques publiques peuvent en atténuer les effets est la difficile tâche d'Obama. Encore faut-il qu'il se pose la question assez tôt, occupé qu'il est à s'assurer que les banquiers qui ont causé ce désastre traversent la crise le plus agréablement possible.

mardi 23 juin 2009

Albanel out!

Victime de l'Hadopi. Frédéric Mitterrand in. Je trouve que c'est une bonne idée. Je veux bien l'ancien job de Frédéric Miterrand: directeur de la Villa Médicis à Rome...

La réforme de la finance US par Obama

Long story short: déception. Alors évidemment il y a des degrés dans la déception. Avec Summers et Geithner, que pouvait-on vraiment attendre? Obama avait signalé à maintes reprises qu'il était du côté des banques qui sont en retour de son côté: $40 millions de contribution de campagne pour Obama contre $34 millions à Bush en 2004 et surtout seulement $14 millions à John Kerry. Obama aurait pu faire le choix d'un financement essentiellement populaire grâce à ses contributeurs internets. Il ne l'a pas fait car cela aurait été une déclaration de guerre à tous les lobbys du pays qui auraient alors sans doute pu empêcher son élection ou rendre sa présidence impraticable. Or, Obama, comme nous le savons, n'est pas Spartacus: c'est un mandarin (si être éditeur de la Harvard Law Review quand on est étudiant ne vous donne pas ce statut aux Etats Unis, rien ne le fera). Il a donc mené sa campagne avec l'argent du "health care", des banques et autres industries "qui vous veulent du bien" alors qu'il avait l'opportunité pour la première fois dans l'histoire grâce à internet de bâtir sa présidence sur un soutien financier populaire qui aurait pu lui permettre de couper le cordon entre la présidence et les lobbies.

Donc cette réforme satisfait les banques. Il n'y a pas grand chose d'autre à ajouter. Quelques points ont suscité leurs "doutes ou interrogations" mais le blogo fait confiance à leurs armées de lobbyists pour aplanir les difficultés. Par exemple, l'idée qu'une agence s'occupe de protection du consommateur semble exorbitant à nombre d'institutions financières. Barney Frank et Chris Dodd (les récho et frigo des "banking comittee", le premier à la chambre des représentants et le second au sénat) semblent optimistes sur le fait que la majeure partie de cette loi devrait être adoptée sans difficulté. Après ce qui vient de se passer, on aurait plutôt imaginé des débats fracassants et une remise à plat totale du système mais non, c'est toujours l'ambiance "clubby" qui règne entre Wall Street et Washington.

La FED est portée aux nues, première responsable de la crise, elle hérite d'un certain nombre de prérogatives nouvelles comme celle d'analyser et de lutter contre les risques systémiques. C'est le nouveau pompier dont tout le monde sait qu'il est un dangereux pyromane. On le savait déjà mais tout le monde s'accorde sur le fait que casser le monolithe "Too Big Too Fail" ne peut-être une solution. Pour la bonne raison que tout le monde fait partie du monolithe. Krugman a même pris parti pour le monolithe (ticket d'entrée dans une prochaine administration?).

L'incapacité du système à se réformer face à une crise de cette ampleur est très inquiétante et montre son état de pourrissement avancé. Le monolithe avait précédemment recours aux méthodes les plus douteuses pour extraire de la population l'écot le plus important possible mais après le bailout, il a désormais le pouvoir de lever l'impôt et de puiser directement dans les finances publiques. Le "runaway train" continue donc inexorablement sa route. Personne n'essaye d'actionner les freins mais ils ne marchent sans doute plus de toute façon.

Après l'enrichissement des années fastes bâti sur le plus grand Ponzi Scheme de l'histoire (les capitaux du monde entier contribuaient à l'explosion des prix de l'immobilier orchestrée par la FED), on aurait pu penser que l'effondrement allait entraîner une remise à plat du système bancaire. Ca n'est pas encore le cas mais si on compare cette crise à celle de 29, nous ne sommes qu'en 1931. Cette capacité du système bancaire à préserver sa structure et son pouvoir jusqu'ici a en tout cas démontré le contrôle inouï qu'il a sur le système politique, et a fait de ce contrôle le premier suspect quand on essaye d'identifier les causes de la crise.

Money talks...

Un article du New Yorker (via TBP) retrace le parcours d'Angelo Mozilo, l'homme qui a dirigé Countrywide Financial Corp depuis 2000. Countrywide a été un des plus gros producteurs d'emprunts subprimes de la période.

In 2005, Fortune placed Countrywide on its list of “Most Admired Companies,” and Barron’s named Mozilo one of the thirty best C.E.O.s in the world. The following year, American Banker presented him with a lifetime-achievement award.
En 2005, Fortune a inclu Countrywide dans sa liste des sociétés les plus admirées. Le magazine Barron's a élu Mozilo un des 30 meilleurs dirigeants d'entreprise du monde. En 2006, le magazine American Banker lui a remis un prix d'honneur pour toute sa carrière.

Le Blogo déplore souvent les manquements des MSM (vieux médias) et leur incapacité à dénoncer les abus dans l'immobilier durant la dernière décennie. Comme le montre les différents honneurs qui ont été faits à Mozilo, cette critique ne rend pas justice à la complicité active de ces médias dans la frénésie immobilière qui a touché l'Amérique. Au moment où il reçoit ces honneurs, Countrywide est occuppée à corrompre toutes sortes de dignitaires américains avec des emprunts préférentiels dont les divers bénéficiaires (pas tous connus) allaient d'un sénateur (Chris Dodd - sénateur à la tête du "Banking, Housing and Urban Affairs comittee"* - ça ne s'invente pas) au président de Fannie Mae.

Surtout, Countrywide produit chaque année des millions d'emprunts dont le caractère radicalement abusif et financièrement suicidaire aurait sauté aux yeux de tout journaliste, régulateur ou homme politique qui s'y seraient arrêtés quelques minutes. Countrywide développe des call centers pour que le maximum de gens en croque. Des propriétaires ayant déjà remboursé leur logement rempilent avec un nouvel emprunt (c'est ainsi que des personnes âgées qui auraient dû être à l'abris se retrouvent aujourd'hui à la rue). Pendant ce temps-là les MSM, les régulateurs et les politiques (tous sous influence) n'ont pas cessé d'encourager ce mouvement destructeur.

Les plus consensuels ("on ne va pas se fâcher pour si peu...") y verront une hallucination collective et les plus belliqueux y verront le crime du siècle. La vérité est que c'est un mélange des deux. Un certain nombre d'idiots utiles n'ont fait qu'accompagner le mouvement mais énormément de responsables savaient que tout cela ne pouvait pas bien se terminer. Une bonne approximation est sans doute que la naïveté des acteurs était inversement proportionnelle au profit qu'ils tiraient de la situation. A noter que le profit n'a pas été que financier: cette injection de dopants dans l'économie a dégagé des marges de manoeuvre politiques importantes (tax cuts, guerres...)

*Chris Dodd est toujours à la tête de ce comité, on ne change pas une équipe qui gagne... La superstructure politico-financière n'a pas bougé d'un iota bien qu'elle soit responsable de la crise comme le déplore le blogo à longueur de posts. The future looks bright ahead!

lundi 22 juin 2009

Un petit dessin vaut mieux qu'un long discours...

L'indispensable Barry Ritholtz nous offre une illustration de la crise qui vaut toutes les éructations exaspérées, tous les soupirs désespérés et toutes les grognements ulcérés du Blogo. Ce qui vient de se passer ces 12 derniers mois est d'une gravité inouïe et nous ne sommes qu'au tout début des conséquences économiques et politiques de ce séïsme.
Il s'agit d'un diagramme des montants évalués à plusieurs reprises par Bloomberg (et linkés par le Blogo en mars) correspondant à tous les engagements pris par l'Etat américain depuis le début de la crise. Il ne s'agit bien évidemment pas de cash exigible immédiatement sinon la faillite serait d'ores et déjà avérée.
Il est clair qu'à la Maison Blanche (et en bonne société en général), on fait semblant de croire qu'une partie importante de ces "carrés" ne sont que des garanties apportées temporairement et qu'une fois l'orage passé (vous savez: après "la reprise du second semestre"), tout va rentrer dans l'ordre et que les actifs pourris vont reprendre du poil de la bête. En attendant, l'immobilier continue sa chute qui va être à la fin des fins le déterminant majeur de la profondeur de la cicatrice que laissera cette crise sur l'économie mondiale. Il est possible que certaines de ces lignes de crédit ne soient effectivement pas utilisées entièrement mais il est également possible que certains carrés explosent (Fannie/Freddie par exemple). Ce total évalué aujourd'hui à $15 trillions par Ritholz ne s'élevait ainsi qu'à $12,8 trillions fin mars selon Bloomberg et $11,6 trillions fin février toujours selon Bloomberg.

Ce dessin donne l'ordre de grandeur de ce qui est en train de se passer. Alors penser que cela n'est qu'un petit nid de poule sur l'autoroute de la croissance et de la prospérité relève de la méthode Coué, laquelle a été adoptée sans coup férir par l'Etat, les banques et les médias américains car elle leur permet à court terme d'échapper à leurs responsabilités. A noter qu'il ne s'agit en rien d'une crise de confiance mais bien de l'effondrement du "bridge to nowhere" financier que les autorités monétaires américaines ont décidé de construire à la suite des attentats du 11 septembre* en redéfinissant au passage le concept d' "apprentis sorciers".

El Blogo vous souhaite donc une joyeuse "reprise du second semestre" (plus qu'une grosse semaine à attendre!).

*Pour ceux qui se demandent ce que le 11 septembre vient faire là-dedans et qui pensent être tombés sur un site conspirationniste (9/11 "truthers"), je tiens à les rassurer sur le fait qu'il n'y a aucun lien entre El Blogo et Jean-Marie Bigard et je les invite à suivre le lien suggéré. Si vous n'êtes pas convaincus par le post (et même si vous l'êtes d'ailleurs), vos critiques et vos commentaires sont les bienvenus pour faire avancer la réflexion du Blogo.

vendredi 19 juin 2009

Friday Plane Blogging

Un avocat dézingue Guaino

Dimanche dernier sur Europe 1, Guaino attaque le Conseil Constitutionnel sur un ton condescendant au sujet d'Hadopi. Un avocat blogger démonte les arguments qu'il avance. C'est un jeu de massacre très instructif. Via le lecteur "W.". J'espère que l'aile "Libertés publiques" est également couverte parmi les conseillers de Sarko parce qu'il ne faut visiblement pas compter sur Guaino.

mercredi 17 juin 2009

ENOUGH with this "Twitter Revolution" non-sense!

Ca n'est pas la première fois que le Blogo s'en prend aux facéties des psy-ops US concernant Twitter, ce service de messagerie pathétique que 60% des utilisateurs abandonnent dans le premier mois suivant leur inscription (comme yours truly - j'ai dûment ouvert un compte puis je n'y ai plus remis les pieds). Après les révolutions colorées, on a essayé de nous vendre assez récemment une "Twitter revolution" en Moldavie (!) que je m'étais empressé de mettre en doute ici. On apprend depuis que le nombre d'utilisateurs de Twitter répertoriés en Moldavie au moment des manifestations était de 70 (via cet abruti qui appelle ça "un paradoxe" - évidemment, pour un gars qui s'occupe de technologies au magazine "Foreign Policy", l'affaire est trop juteuse pour dénoncer l'ineptie qui la sous-tend). 70, donc. Ca peut peut-être marcher pour une révolution de palais...

Que dire devant le nouveau buzz énorme et absolument absurde sur l'Iran et Twitter? Cet article du Wapo m'a fait sortir de mes gonds (en confirmant au passage tous les soupçons que j'avais sur cette rumeur idiote). Comme c'est très souvent le cas dans les campagnes de désinformation, le titre de l'article ("Twitter Is a Player In Iran's Drama") n'a pas grand chose à voir avec son contenu.

Il y est dit que le Département d'Etat est intervenu auprès de Twitter (information provenant d'une "source anonyme", une des plaies du journalisme moderne aux Etats-Unis - à noter que plus loin dans l'article on relègue cette source au rang de "low level") pour repousser une opération de maintenance mardi matin qui aurait pu mettre à mal les communications entre les citoyens iraniens "tech-savvy" alors qu'ils se préparaient à manifester. Twitter confirme qu'ils ont repoussé la maintenance mais ne disent rien à propos du Département d'Etat (Obama a d'ailleurs dit que les Etats-Unis n'essaieraient pas d'influer sur les évènements en Iran - on voit mal comment cela est compatible avec cette "fuite" sur les agissements du "foggy bottom" - whatever). Ici, le Seattle Post Intelligencer dramatise: "State Dept. to Twitter: Iran too important, site fix can wait". Si cela ne vous fait pas regarder votre Iphone comme la nouvelle clé de voûte du monde démocratique, nothing will.*

Le problème, c'est que l'article contient en lui-même la contradiction à ce "narrative" complètement calqué sur la "révolution moldave": Twitter ne gère pas le Persan. On voit mal comment ce truc que personne n'utilise pourrait avoir un rôle politique en Iran si les iraniens ne peuvent pas s'en servir.

On voit donc en deux paragraphes la thèse entière de l'article s'effondrer:

It is hard to say how much twittering is actually going on inside Iran itself. The tweets circulated by expats in the United States tend to be in English -- the Twitter interface does not support the use of Farsi. And though many people may be sending tweets out of Iran, their use inside Iran may be low, some say.

"Twitter's impact inside Iran is zero," said Mehdi Yahyanejad, manager of a Farsi-language news site based in Los Angeles. "Here, there is lots of buzz, but once you look . . . you see most of it are Americans tweeting among themselves."

Ce qui n'empêche le Wapo de poursuivre son bonhomme de chemin et de propager l'idée mise en avant dans le titre. Il y a sûrement des flux twitters sur la Grippe A. Pourquoi ne nous abreuve-t-on pas de "Twitter flu" (grippe Twitter)? Encore une raison de célébrer quand on annoncera que le Wapo met la clé sous la porte. En attendant, je suggère aux lecteurs du Blogo de faire comme moi et de ne croire à peu près rien des informations qui nous viennent d'Iran. Même Juan Cole, qui est pour moi le one-stop shop quand je me pose des questions sur cette région du monde, tire des conclusions rapides qui me laissent un peu sur ma faim (à vous de juger). Je suggère donc la circonspection en attendant que la poussière retombe. Quand on voit à quel point une "low level source" peut faire écrire n'importe quoi au Wapo, on imagine facilement que des "high level sources" peuvent lui faire écrire ce qu'elles veulent.

* Les médias français ne résistent évidemment pas à la diffusion pavlovienne de toutes les imbécilités qui nous viennent des Etats-Unis. L'Express pose même cette question cruciale: Pourquoi l'Iran ne parvient pas à censurer à Twitter? How about this: Parce que personne s'en sert!


Update: Facebook pareillement ne gère le persan que depuis le jeudi 19 juin en version béta. Il y a donc une énorme projection des américains sur les technologies utilisées chez eux par des gens originaires d'Iran et ce qu'il se passe réellement sur place. Le "narrative" sur les nouvelles technologies renversant les mollahs est sans doute irrésistible même s'il est faux, les MSM ne nous ont pas habitué à autre chose.

mardi 16 juin 2009

Le NYT dans ses oeuvres

J'avais émis des doutes sur la "twitter" revolution qui nous avait été vendue par le NYT. A nouveau sur l'Iran, un article met en cause la couverture de CNN qui aurait suscité des protestations véhémentes de téléspectateurs. Protestations véhémentes qui seraient apparues sur Twitter. Article en anglais assez court qui attaque violemment CNN avec à peu près zéro substance. Autant dire: "le NYT pense que CNN aurait dû consacrer plus de temps aux élections iraniennes". Se réfugier derrière twitter pour faire passer son point de vue est un truc de weasel. Encore de l'opinion vendue sous couvert de reportage.

dimanche 14 juin 2009

Post-It

Le ministre des finances russes à la rescousse du dollar au G8 après l'avoir dézingué précédemment (avec le Brésil). Le ministre des finances japonais affirme sa foi inébranlable ("unshakable") dans les treasuries. Et le ministre allemand s'inquiète du rating de la dette des pays de l'Union Européenne.

Le Dow Jones positif sur 2009. Rappelons que GM et Citigroup ont été remplacé dans l'indice par Cisco et Travelers. La confiance des consommateurs en hausse pour un quatrième mois. Comme vu précédemment, le meilleur prédicteur de la confiance est l'évolution de la bourse.

James Kwak malmène la recherche de JP Morgan: "Annoying Bank Propaganda". JP prétend que les banques ont continué à prêter en dépit de la crise. Il semble que la réalité soit plus complexe. Effectivement mais qui se soucie encore de la recherche des banques?

La richesse des foyers américains baisse de 2.5% au premier trimestre. Contre -8% au dernier trimestre 2008.

La FED donne plus d'info sur le trillion prêté ces derniers mois, notamment les ratings (comme si cela était important dans le contexte...). Les noms des emprunteurs restent toujours inconnus: sans nom et sans montant, il n'est pas difficile pour les banques de faire croire à la fiction qu'elles peuvent rembourser l'argent du TARP et qu'elles tiennent debout toute seule. Cette collusion entre la FED et les banques est complètement scandaleuse.

Geithner met de l'eau dans son vin. Suite à une levée de bouclier, il tempère son ambition de faire de la FED le régulateur unique en charge des risques systèmiques.

"The Economist" trouve certains banquiers un peu gonflés: There is a startling lack of grace: Jamie Dimon, the boss of JPMorgan, has fantasised about sending an ironic accompanying “Dear Timmy” thank-you letter to America’s treasury secretary, Tim Geithner, saying “We hope you enjoyed the experience as much as we did.” The boss of Wells Fargo has called the solvency tests “asinine”.

Weird this Dugan fellow. On a l'impression qu'il n'y a que dans une république bananière qu'un régulateur peut agir ostensiblement contre l'intérêt du public et le clamer haut et fort. Meet John Dugan.

Change?

Une tradition américaine est de donner aux contributeurs de campagne électorale les postes d'ambassadeur. C'est ce qui a permis au fondateur d'Ameriquest, le plus gros producteur d'emprunts subprimes aux Etats-Unis, de devenir l'ambassadeur de Bush aux Pays-Bas en 2006 après avoir vendu son entreprise (good timing)*. Obama continue. D'après Mc Clatchy.

*Wikipedia: In 2005, Ameriquest Capital and three of its subsidiaries comprised four of the 53 entities that each contributed the maximum of $250,000 to the second inauguration of President George W. Bush.[4][5] Writes USA Today, "Inaugural fundraisers Dawn and Roland Arnall found a creative way to pump more than the $250,000 limit into the event. Their mortgage firm, Ameriquest Capital, contributed the maximum, as did three subsidiaries, for a total of $1 million. The company declined to comment on its political giving."[6]

vendredi 12 juin 2009

Edito désabusé du NYT

Un édito désabusé du NYT se plaint de l'autorisation de remboursement de la "TARP money" pour 10 banques. Mamie Nova a trouvé son équivalent journalistique...

After Mr. Obama announced the payback, The Times’s Eric Dash reported, Goldman Sachs employees toasted their freedom at a cafe near Wall Street. The risk is great that the repayment is yet another step back to a status quo that served the bankers so well and everyone else so poorly. That’s nothing to cheer.

Le NYT dans son rôle de "liberal media" mais de plus en plus influcencé par la blogosphère économique. Le ton fataliste et résigné ne présente en tout cas pas un vrai défi au pouvoir en place. Comme pour la guerre en Irak, l'opposition éditoriale est mesurée (et le soutien dans le reste du journal ostensible). N'oublions pas finalement que la responsabilité de cette mesure pèse sur Barack Obama dont le charisme ne cachera pas toujours la faiblesse.

La dette américaine continue à croître

La dette des ménages se tasse mais le gouvernement a pris le relais selon un mécanisme souvent évoqué sur El Blogo. L'ensemble paraît en voie de stabilisation mais 2009 est extrapolée du premier trimestre (cliquez sur le graphe pour agrandir):
Il n'est pas très aisé de distinguer les différentes catégories (même si c'est possible). L'augmentation globale à partir de 2001 est très forte et rejoint ce post d'hier. Entre 2002 et 2007, la dette globale augmente de plus de 50% (de $32 à $49 trillions - en lisant le graphe)
(via The Big Picture - Rolfe Winkler)

Mamie Nova is back

Elizabeth Warren, qui dirige le panel du congrès surveillant le TARP program, est interviewée plus bas. Papy G l'appelle "Mamie Nova" et il faut bien reconnaître que ça lui va pas mal. Elle n'est pas de mauvaise volonté mais elle regarde vraiment passer les trains. Déjà évoquée dans le blogo ici.

Warren: "So what we'd like to see: more transparency, more information."
Now Liz, just keep asking politely and you never know: you might just get it one day!

Friday Plane Blogging

La crise du 11 septembre

La FED a une responsabilité cruciale dans la crise. Le fait que la récession majeure que nous traversons se produise après 3 ans et demi d'une politique monétaire ultra-laxiste n'est évidemment pas un hasard. D'octobre 2001 à mai 2005, les taux américains ont été strictement inférieurs à 3,0%. Pourquoi retenir 3,0% comme signe d'une politique "ultra-laxiste"? C'est le point le plus bas qu'avaient atteint ces taux dans la période "moderne" (post-inflation des années 70).

Le graphe ci-dessous montre qu'il faut remonter à 1960 pour passer en dessous de 3%. A noter qu'à l'époque, les Fed Funds Rate n'étaient pas l'alpha et l'oméga de la politique monétaire comme ils le sont devenus depuis. La récession précédente (début des années 90) avait vu le taux directeur s'établir à 3% en septembre 1992 avant de commencer à remonter rapidement 18 mois plus tard. (Remarque: je dénonce dans ce post les excès de la période 2001-2005 en termes de taux trop bas, regardez où nous en sommes aujourd'hui... C'est pour ça qu'il y a un blogo.)
En agrandissant le graphe sur la période récente, on s'apperçoit que les taux qui avaient déjà beaucoup baissé au premier semestre 2001 (3% depuis le début de l'année) semblaient en voie de stabilisation en août 2001 (depuis deux réunions, la FED ne baissait plus que par incrément de 25bps au lieu de 50 les 5 fois précédentes). La FED semblait donc partie pour le type de scénario illustré en rose dans le graphe ci-dessous et similaire à celui de la récession de 1992.


Au lieu de cela, c'est le scénario bleu qui a été retenu dès le 17 septembre lors d'une très rare réunion inter-meeting qui a vu les taux baisser de 50bps. A nouveau le 2 octobre et le 6 novembre. Un dernière baisse le 11 décembre 2001 amène les taux à 1,75%.

Ce faisant, la FED a fait entrer le monde dans une nouvelle ère monétaire. La menace a-t-elle été surestimée? Les pertes subies le 11 septembre justifiaient-elles qu'on envoie par dessus bord les principes de base suivis jusqu'alors par la politique monétaire? Certainement pas. Les Etats-Unis n'ont pas eu de mal à absorber les pertes humaines et matérielles causées par les attentats. Non, c'est dans sa décision du 6 novembre 2002 que la politique de la FED d'un relâchement si important et si étendue dans la durée prend toute sa dimension. La FED décide alors de baisser les taux de 1.75% à 1.25%. Une raison: contrer les effets négatifs de la guerre qui se profile. Extrait de la décision: "However, incoming economic data have tended to confirm that greater uncertainty, in part attributable to heightened geopolitical risks, is currently inhibiting spending, production, and employment"*. La FED participe clairement à l'effort de "guerre contre le terrorisme" en mettant de l'huile dans le moteur. C'est en répondant aux attentats du 11 septembre d'une manière idiote et criminelle que Bush scelle le sort monétaire de la période. Il y aura la guerre et puisque la population est hésitante, tout est fait pour que la récession économique amorcée soit avortée. Le futur est alors sacrifié au présent et c'est dans ce futur que nous nous trouvons aujourd'hui.

Cette politique monétaire a créé une situation économique qui devrait en toute logique mettre un terme de façon prématurée à la domination des Etats-Unis qu'Hubert Védrine baptisait "l'hyperpuissance" il y a seulement dix ans. Les terroristes du 11 septembre n'en espéraient sans doute pas tant.**

* La Phrase suivante du "statement" du 6 novembre 2002 est également intéressante car elle se retrouve tout au long de la période: "Inflation and inflation expectations remain well contained." C'est le grand miracle de la période: comment cette politique inflationniste a pu ne pas produire des conséquences statistiques qui auraient pu conduire la FED à remonter les taux?
Il faut parler de la logique de guerre qui a eu un poids sur l'information économique: les américains n'ont par exemple jamais été conscients d'être en récession en 2001. On leur a dit après, suite à une révision des chiffres, qu'il y avait eu effectivement une récession mais qu'elle était finie. L'intervention politique semble à peu près certaine au moins dans la présentation de ce chiffre.
Surtout, l'inflation ne tient pas compte du prix des maisons. Elle est calculée à partir des loyers qui n'ont pas du tout suivi l'évolution délirante des prix de l'immobilier. Ainsi, on peut même considérer que quand l'accès à la propriété augmente, les loyers baissent car plus personne ne loue. Le système de mesure de l'inflation n'a donc pas seulement raté la bulle de l'immobilier, il a probablement considéré l'immobilier comme un facteur relativement déflationniste dans la période.
** D'où la question posée par Stephen Colbert au White House Correspondents Dinner de 2006: "Why, oh why, did we invade Iraq?"

jeudi 11 juin 2009

Halliburton, Bechtel, Blackwater...

Jeremy Scahill fait le point avec Bill Moyers sur le scandale le plus ahurissant de l'ère Bush: les "contractors" auxquels les guerres de l'empire ont été en grande partie sous-traitées. Sur ce sujet également, la complicité des mainstream media a été scandaleuse et suffirait à elle seule à les discréditer totalement. Evidemment, il y a eu tout le reste...

Scahill: "It's time to take off the Obama Tee-shirts" (parce qu'il poursuit la ligne Bush). Les dépenses continuent en effet à augmenter et l'utilisation des "contractors" demeure massive.


Partie 2

Cool tests

Les stress tests de la FED ont permis de déterminer que 10 banques étaient en mesure de rembourser l'argent du TARP. "Calculated Risks" examine la pertinence des stress tests réalisés en s'intéressant aux projections utilisées pour le chômage:

On voit bien la complaisance inouïe qui a régné lors de la réalisation de ces tests qui sont plus "cool" que "stress" (le scénario "noir" d'un stress-test est censé être plus pessimiste que ce qui va se passer en réalité avec une certaine marge de sécurité, il ne peut pas être dès le départ significativement plus optimiste que la réalité).

Les banques américaines n'ont qu'une seule raison d'être: rémunérer de manière délirante leurs dirigeants. Le TARP les en empéchait et il est donc naturel qu'elles aient essayé de se débarrasser de ces contraintes. Grâce à leur fidèle grognard Geithner, elles vont donc pouvoir à nouveau remplir cette fonction sociale absolument inutile. Cela pose un certain nombre de problèmes et notamment le prix auquel elles vont pouvoir racheter les options qui avaient été attribuées à l'Etat pour compenser le risque du prêt. Il semble que là encore, Geithner soit prêt à faire des concessions pour que les prix des maisons dans les Hamptons ne baissent pas trop rapidement.

Le problème essentiel est que tout cela n'est qu'une opération de communication. Les banques sont désormais sous assistance respiratoire de l'Etat via la Federal Reserve qui a racheté pour $1.75 trillions d'obligations (dont $300 milliards de treasuries) et qui rend possible tous les jours le fonctionnement du système bancaire. Sans cela, toutes les banques américaines feraient faillite instantanément. Le système bancaire américain n'est plus qu'un village Potemkine qui vit en dérivation sur les deniers publics. La politique monétaire de taux nuls est pareillement destinée à sauver le système en prenant tous les risques possibles car la FED n'est pas un arbitre indépendant mais une émanation des banques de Wall Street. Ce n'est pas la FED qui sauve le système mais bien en réalité le système qui se sauve lui même.

Le remboursement de l'argent du TARP n'est donc qu'une manoeuvre visant à empêcher que la moindre contrainte ne pèse sur les banques en dépit de leurs faillites. Les pertes sont toujours garanties par l'Etat mais avec le remboursement du TARP et des options, l'Etat perd l'éventuel profit qu'il pouvait réaliser.

Le TARP restera donc comme une erreur de parcours. Dans la panique et dans l'urgence, les banques avaient laissé passer ce mécanisme d'aide qui présentait quelques contraintes. Après avoir repris leurs esprits, il ne leur aura fallu que 6 mois pour faire le tri et ne conserver que l'argent du contribuable qui leur est fourni sans contrepartie via la FED. Le TARP recapitalisait les banques directement en faisant apparaître l'Etat au capital et en demandant des restrictions sur les salaires. Wall Street préfère l'aide furtive, protégée par le secret que la FED maintient sur ses interventions ou via des SPV comme AIG. Elles ne sont pas en meilleure santé, elles ont encore des pertes importantes à reconnaître mais après la manipulation des règles comptables, leur objectif essentiel était de se débarasser du TARP. C'est chose faite.

C'est toujours le même principe: on annonce une politique avec d'énormes roulements de tambours qui présente parfois quelques éléments susceptibles de gêner des intérêts particuliers. Dès ce moment se mettent en place discrètement des efforts de lobbying intenses qui font que quelques mois plus tard, tout ce qu'un projet de loi pouvait comprendre de gênant a disparu corps et bien. A l'américaine.

* SPV: special purpose vehicle, entités juridiques qui n'ont de justification que pour mener à bien une opération financière. AIG n'a pas été créé pour l'occasion mais a clairement rempli ce rôle pour le plus grand bonheur de GS et de banques françaises notamment.

Peter Schiff chez Jon Stewart

Il va peut-être se présenter contre Chris Dodd aux élections sénatoriales dans le Connecticut (Comedy Central a fait retirer la bonne vidéo, j'ai donc remplacé par cette vidéo pas terrible).

mercredi 10 juin 2009

Hadopi retoquée

L'idée que la France soit en pointe sur une législation représentant la tentative par les pouvoirs en place de mettre un couvercle sur la révolution numérique m'est profondément insupportable. Le rôle de la France au regard de son histoire et de ses idéaux est au contraire de montrer la voie dans la direction opposée.

Les gens qui soutiennent cette loi ne comprennent rien à l'art, rien à l'internet et j'en ai bien peur, rien à la France. Ils seront défaits.

Le supplice chinois de l'Euro a commencé

J'avais décrit dans ce post comment des agences de notation discréditées et faisant partie du complexe politico-financier américain pourraient arbitrairement faire subir un suplice chinois à l'Euro en abaissant les notes de pays satellites de la zone euro, notch par notch, pour contrer une baisse trop forte du dollar.

La note de l'Irlande a été abaissée lundi pour la deuxième fois en trois mois de AA+ à AA (d'un seul notch à nouveau mais avec un "outlook negative"). Cela a un peu plus enfoncé l'Euro qui avait déjà subi les contre-coups de la bonne perception des chiffres de l'emploi US vendredi. Avant ça, le dollar était la semaine dernière au plus bas de l'année.


Il est aussi possible que les marchés deviennent insensibles aux décisions des agences comme semble le suggérer l'évolution depuis. Le jour où l'euro montera alors qu'un de ses membres aura vu sa note baisser, l'influence des agences aura atteint un niveau correspondant à leur compétence et à leur indépendance.

mardi 9 juin 2009

Couverture de la CJR

J'attirais l'attention des lecteurs du blogo il y a trois semaines sur un article de la Columbia Journalism Review traitant de la couverture des signes avant-coureurs de la crise dans la presse écrite. Il s'agissait en fait d'un dossier qui fait la couverture de la revue. Le titre: "Aveuglement". Le sous-titre: "Comment la presse économique a raté l'effondrement".

The Big Picture a les liens vers les trois articles du dossier (j'ai déjà référencé le premier dans le post précédent):

Power Problem
Dean Starkman
CJR, May/June 2009
Waiting for CNBC
Maureen Tkacik
CJR, May/June 2009
Identity Crisis
Liza Featherstone
CJR, May/June 2009

Extrait de "Power Problem":
For if the institutional response is correct, and all was done that could be done, then journalism has even bigger problems than Google and Craigslist. In the best case, if this response is to be believed, the financial press faces the problem of irrelevance—all that newsprint and coated paper, those millions of words, the bar graphs, stipple portraits, glossy photos of white guys, the printing presses, delivery trucks, and Yale degrees, is worth about as much as a New Century share.
NB: New Century était un des premiers producteurs d'emprunts subprimes. La référence à Yale nous renvoie à Amity Shlaes.

Rush Limbaugh veut la peau de GM

Un mouvement s'organise au sein des populistes républicains pour organiser un Boycott contre General Motors rebaptisée "Government Motors".

Il est quand même stupéfiant de voir la rage que provoque l'aide de l'Etat à cette industrie par rapport à la tranquilité bonhomme (dans les médias) avec laquelle a été accepté le principe d'une aide illimitée aux banques.

J'ai parlé à un ami qui travaille dans un hedge fund dans le Connecticut récemment et je lui ai demandé ce qu'il pensait d'Obama du point de vue de l'économie. Il m'a dit qu'il était soucieux notamment à cause de la manière dont le dossier GM était traité. C'est l'histoire de la paille et de la poutre j'imagine. L'idée que les banques aient pu être trop ou mal aidées ne faisait pas partie de ses catégories mentales. Encore une victime du triptyque (Wall Street Journal, Financial Times, The Economist).

Stiglitz sceptique sur la santé retrouvée des banques

Commentaires sur la santé financière apparente des banques (bloomberg via Atrios):

(Stiglitz dit qu'en soutenant les banques l'Etat ne fait que gagner du temps et un autre ajoute que les profits rapportés pour Q1 sont de la poudre aux yeux liés aux nouvelles règles comptables)

The revival may be short-lived. Analysts who have examined the quarterly profits and government tests say that accounting rule changes and rosy assumptions are making the institutions look healthier than they are.


The government probably wants to win time for the banks, keeping them alive as they struggle to earn their way out of the mess, says economist Joseph Stiglitz of Columbia University in New York. The danger is that weak banks will remain reluctant to lend, hobbling President Barack Obama’s efforts to pull the economy out of recession.

Citigroup’s $1.6 billion in first-quarter profit would vanish if accounting were more stringent, says Martin Weiss of Weiss Research Inc. in Jupiter, Florida. “The big banks’ profits were totally bogus,” says Weiss, whose 38-year-old firm rates financial companies. “The new accounting rules, the stress tests: They’re all part of a major effort to put lipstick on a pig.”

Green Shoots?

Les "green shoots" (les bourgeons de la reprise) ne sont pas encore censés montrer que les choses s'améliorent mais plutôt qu'elles se dégradent moins rapidement. Dans ce registre, je notais il y a six mois que le champagne était à -20% dans le "Nicolas" en bas de chez moi (banderole au-dessus de la porte). Et bien les choses s'améliorent car la banderole est revenue mais elle indique maintenant -15%. Exciting times!

Voilà c'était la minute "anecdotal evidence". C'est sans doute plus fiable que les chiffres de l'emploi parus vendredi qui donnaient 9,4% de chômeurs et seulement 345,000 pertes d'emplois pour mai. Ces chiffres seront évidemment rectifiés, cela n'échappe plus aux lecteurs aguerris du Blogo. Barry Ritholtz (qui frôle la crise d'apoplexie à chaque fois que ces chiffres sont publiés) exprime de sérieux doutes quant à leur qualité et incrimine comme d'habitude le Birth/Death adjustment model. A noter que le chiffre des NFP (non farm payroll: -345 000) a une origine statistique complètement indépendante du chiffre sur le chômage (9,4%). Aussi ce graphe interactif sur l'évolution de l'emploi aux Etats-Unis depuis 2004 est très spectaculaire si on le laisse défiler.

Graphes sur l'emploi et les récessions. Les barres verticales grises sont les récessions (via The Big Picture).


lundi 8 juin 2009

Post-it

Pour la n-ième fois le projet de rachat des actifs toxiques par des acteurs privés avec des subventions gouvernementales (sous-programme du TALF appelé PPIP si j'ai bien suivi et ça n'est pas facile) n'arrive pas à décoller. (via Calculated Risks)

Krugman examine la responsabilité de Reagan dans la crise actuelle. Il pointe essentiellement du doigt une loi de 1982 permettant l'obtention d'un emprunt immobilier sans mise initiale de l'emprunteur. Voici l'éclairage de Barry Ritholtz sur le sujet. A ma grande stupéfaction, il précise que les produit qui avaient cours lors de la grande dépression en matière de prêts immobiliers étaient déjà des emprunts "interest only" pendant 3 à 5 ans qu'on refinançait une fois arrivé au "reset" (quand on commence à rembourser le principal en plus des intérêts). It's like "déja vu" all over again" (Yogi Berra)

Mozilo, ancien CEO de Countrywide, est accusé de fraude. Les mails d'avertissement d'un employé de Countrywide figurent en bonne place dans le dossier d'instruction.

Grippe A

Un post du Daily Kos du 4 juin nous indique que l'OMS est de plus en plus proche de déclarer une pandémie. Point en anglais assez détaillé sur la question. Illustrations frappantes:

La carte des cas (on peut choisir "officiels" ou "déclarés dans les médias") du New England Journal of Medicine.

Grippes précédentes:

The Real West Wing

Chaque président ouvre traditionnellement les portes de la Maison Blanche à des journalistes pendant une journée entière en début de présidence. C'est Brian Williams de "Nightly News" sur MSNBC qui s'y colle cette fois-ci. C'est un programme consensuel, les journalistes font les relations publiques du président en échange d'un accès inhabituel à l'envers du décor (30 caméras pendant une journée!). Ce clip n'est qu'un extrait, pour les vrais fans, vous pouvez voir l'émission en entier par petits bouts sur le site de MSNBC (si vous voulez tout savoir sur le chien Bo notamment...).

dimanche 7 juin 2009

Roubini s'explique. Mais peut-on expliquer Roubini?

Nouriel Roubini a expliqué lors d'une conférence que la crise économique n'était pas un "Black Swan event" tel que les décrit Nassim Taleb. Taleb ne dit d'ailleurs pas autre chose si on l'écoute attentivement (son message est brouillé car pour la promotion de son livre, il vaut mieux laisser penser au public qu'il parle de la crise).

Il explique également qu'on ne doit pas l'appeler "Dr Doom" mais "Dr Realist", que beaucoup de gens avaient vu la crise venir (voir l'extrait plus bas pour les noms) et il ajoute qu'il n'a fait que "connect the dots" (expression référant au jeu pour enfant leur demandant de rejoindre des points avec des traits dans un ordre déterminé pour faire apparaître une forme). Il explique que la vraie question n'est pas pourquoi lui a prédit la crise mais pourquoi tous les autres ne l'ont pas fait. Il met en cause le fait que beaucoup d'analyste aime se cacher dans le troupeau, que la pression est forte pour générer un certain discours en période faste... Pour ma part, je trouve la question: "Pourquoi lui?" intéressante même si je risque de tomber dans la psychologie de bazar.

Le personnage qui dit "le roi est nu" dans le conte d'Andersen est un enfant car seule sa naïveté lui permet d'offenser ainsi l'empereur. Toutes les personnes adultes dans le conte font semblant de croire à la fiction. Roubini n'est pas un enfant mais des éléments dans son parcours font qu'il n'est pas irrationnel que lui, plutôt qu'un autre, se soit retrouvé dans la situation d'être la cassandre de la crise. Roubini est en effet une forme d'outsider: il a fait ses études en Europe (il a un très fort accent) et il n'a rejoint les Etats-Unis que pour son doctorat à 30 ans. Quand on arrive à 30 ans dans un système, il est plus facile de porter sur lui un regard critique que si on est le fils d'un mandarin par exemple.

De plus, il n'est pas une personnalité reconnue avant la crise: depuis son poste relativement modeste (dans le "pecking order" académique américain) d'enseignant à la Stern School of Business de NYU, sa voix ne portait pas beaucoup. S'il avait été plus loin dans sa carrière (mettons qu'il ait eu une chaire à Harvard par exemple), le champ de contraintes autour de lui aurait été plus resserré. Avançant dans sa carrière, il aurait sans doute eu des rapports plus étroits avec Wall Street qui l'auraient incité à mettre de l'eau dans son vin. Aussi, s'il avait véritablement gêné (au point que ses déclarations aient assez de retentissement pour inquiéter les marchés par exemple ou s'il avait eu l'oreille d'un politique), sa hiérarchie lui aurait sans doute demandé de se calmer. Il est d'ailleurs probable que son discours "contrarian"* et pessimiste avait déjà eu des effets négatifs sur sa carrière (en y posant un "glass ceiling" par exemple).

Ce n'est pas par hasard que l'économiste qui apparaît aujourd'hui comme ayant prédit la crise n'ait connu qu'une faible exposition médiatique avant celle-ci. Ce n'est pas un "bug" du système, c'est une "feature" (expression qui veut dire que le système était conçu pour qu'un économiste tenant ce genre de discours n'accède pas à une position de proéminence).

Voici la vidéo. Et un extrait de son intervention:

“there were a small but significant number of economists, thinkers and analysts who – early on – predicted many of the risks and vulnerabilities that eventually led to this crisis. In many ways I simply connected the dot in these different strands of thinking and warnings.

Among a few others Robert Shiller was one of the earliest ones to study in detail and warn about a housing bubble; Kenneth Rogoff and a few other economists warned early on about the unsustainability of the US current account deficits and of the global imbalances; Raghu Rajan presented one of the earliest and sharpest analyses of the agency problems and incentive distortions deriving from compensation schemes in financial institutions; Nassim Taleb and a few other finance scholars stressed the risk of fat tail extreme events in financial markets; Paul Krugman – who received his Nobel for his trade contributions – was the father of currency and financial crisis theories in international macro as at least three generations of currency crisis models were developed from his seminal work; Stephen Roach, David Rosenberg and a few other financial sector analysts warned about the shopped-out, saving-less, bubble-addict and debt-burdened US consumer ; Niall Ferguson provided vivid comparisons between historical episodes of financial crises and current vulnerabilities; Hyun Shin and other scholars in academia provided early modeling of illiquidity and of the perverse effects of leverage during asset bubbles; William White and his colleagues at the BIS were among the first – following the scholarship of Hyman Minsky – to analyze how the “Great Moderation” may paradoxically lead to “Financial Instability”, asset and credit bubbles and financial crises; Gillian Tett and a few other journalists at the Financial Times provided early clear explanations of the arcane complexity of credit derivatives and structured finance and of the systemic risks deriving from these new exotic financial instruments; dozen of serious and deep thinking scholars in academia modeled analytically – and tested empirically - the various aspects of systemic financial crises and the interactions between currency crises, systemic banking crises, systemic corporate and household debt crises and sovereign debt crises.

Given the important work done by these and other scholars and thinkers it was certainly easier for me to connect the analytically and empirical dots and warn early on in the middle of 2006 about the incoming economic and financial tsunami. It is important to recognize that a small but significant number of thinkers were willing to think outside the box and were aware of many risks and vulnerabilities. These thinkers - like myself - were not Dr. Dooms; they were rather Dr. Realists, analytically rigorous and intellectually honest and willing to engage in critical thinking rather than follow the herd of the easy consensus.”

Obama entérine des dérives Bushistes

(Post écrit pour l'essentiel il y a deux semaines)

Le vendredi 22 mai, Obama a fait un discours qui le place dans continuité de Bush sur les entorses à la constitution faites dans le but de "lutter contre le terrorisme". L'administration Obama a renoncé a utilisé le vocable de GWOT (Global War On Terrorism) mais à part ce changement sémantique, il semble que beaucoup de pratiques vont rester similaires à ce qu'elles étaient sous W.

Obama indique que son administration pourra recourir à des "détentions préventives" en dehors de toute procédure judiciaire. Obama ne va donc pas replacer les Etats-Unis dans la continuité des valeurs dont ils se sont réclamés historiquement. Il va au contraire, en entérinant les régressions bushistes, en modifier la trajectoire durablement.

Evidemment, la menace asymétrique est un fait relativement nouveau qui met les gouvernements face à un dilemme: que peuvent-ils ou non se permettre dans le but louable d'éviter le massacre de leurs concitoyens? A cette menace asymétrique s'ajoute une asymétrie dans l'information qui complexifie le problème dans un contexte démocratique: les gouvernements savent plus (du moins on peut l'espérer) que l'homme de la rue en matière d'activités terroristes. Dick Cheney, dans ses réponses à Obama sur la torture, ne s'est pas privé d'invoquer des documents "secrets" qui démontreraient selon lui que la torture était justifiée et qu'elle avait "sauvé des vies". Il a demandé à ce que ces documents soient déclassifiés et il faut bien reconnaître que si des documents prouvent par exemple qu'une grande ville aurait été rayée de la carte sans le "water boarding" d'un individu, les défenseurs des libertés publiques de tout poil vont avoir beaucoup de mal à avancer que dans le cas spécifique, cela n'était pas justifié. Encore faut-il croire Dick Cheney ce qui n'est pas du tout recommandé par El Blogo: cet homme n'a pas arrêté de mentir comme un arracheur de dents durant toute sa vice-présidence.*

Ces scénarios de science fiction à la Jack Bauer ne sont que cela: des mythes destinés à faire acquiescer la population à des pratiques barbares. On peut penser que l'exécutif a parfois recours à des méthodes illégales en cas de risque imminent. Jed Bartlett, le bon président démocrate de la série "West Wing" fait par exemple liquider le chef d'un cartel de la drogue en Amérique du Sud dans un épisode. Il n'en reste pas moins que le caractère illégal de ces méthodes est un rampart essentiel contre leur industrialisation.

Le problème est quand la torture devient une pratique institutionnelle et c'est la situation que Bush, aidé par ses conseillers juridiques, a créée. Concomitamment , des manuels sur la torture sont rédigés. Des "procédures standards" sont définies. De plus en plus de personnels de l'Etat, civils et militaires, sont compromis (exécuter un ordre n'exonère pas de responsabilité juridique en la matière selon le droit international). Ces personnels, formés à la torture, deviennent les complices de l'Etat dans des pratiques qui deviennent de plus en plus inhumaines et leur sort personnel devient lié à la poursuite ou du moins au "cover up" de la torture (d'où le risque aujourd'hui pour Obama de se mettre la CIA à dos s'il se prononce pour des poursuites - il s'est d'ailleurs prononcé contre). On apprend ici ou que tel prisonnier a été mutilé, que tels autres ont fait l'objet d'exécutions sommaires. L'adversaire ce faisant perd son humanité même pour ceux qui ne torturent pas directement mais qui savent qu'on torture "ces ordures" etc...

Le problème de la torture est désormais réglé (sauf les poursuites des tortureurs auxquelles s'opposent Obama mais auxquelles les Etats-Unis sont en principe contraints par les traités qu'ils ont signés). Il faut noter que l'essentiel de ces pratiques avaient déjà pris fin aux Etats-Unis avant l'arrivée d'Obama (devant leur inefficacité semble-t-il). Il n'en demeure pas moins que sur les détentions prolongées, Obama est en train de formaliser ce qui échappait sous Bush à un cadre juridique. En d'autres termes, grâce à son sourire, il souhaite rendre légales des pratiques que Bush n'osait que "sous le manteau". Bush en a sans doute rêvé, Obama le fait. Reste à espérer que la cour suprême mettra le hola à cette attaque frontale contre la constitution américaine et les traités qui engagent les Etats-Unis.

L'infrastructure et les pratiques mises en place dans la lutte contre le terrorisme peuvent avoir des répercussions dans la vie réelle et c'est pour ça que les démocraties ont plus que jamais besoin de citoyens exigeants en matière de libertés publiques. Les excès de la no-fly-zone qui interdit à des milliers de personnes de diverses nationalités d'utiliser des vols commerciaux au dessus des Etats-Unis en sont un exemple (extra-judiciaire et arbitraire, il est très difficiles de s'en faire sortir). Un autre exemple (inattendu) est le fichage systématique d'individus comme celui de Julien Coupat qui a été signalé aux autorités françaises par les autorités américaines en janvier 2008 à la suite d'une manifestation aux Etats-Unis qui a donc attiré initialement l'attention sur lui. Attention qui ne lui a pas plus réussi qu'au gouvernement qui ne sort pas grandi de cette affaire (et qui a sorti ce faisant un illuminé de l'obscurité en lui conférant un statut de prisonnier politique - Alliot-Marie devrait vraiment sauter sur ce coup**). Comme quoi en fichant n'importe qui, n'importe comment, on finit par faire n'importe quoi. Les écoutes sans contrôle judiciaire sont encore un autre exemple etc... On ne peut pas dire que depuis le 11 septembre les citoyens américains aient brillé par leur capacité à s'opposer aux desseins de leurs dirigeants en cette matière. A en croire les sondages, les américains sont d'ailleurs toujours très ambivalents, à la fois sur la torture et sur la fermeture de Guantanamo.

A noter: les méthodes inouïes de la police américaine. Il y a trois semaines, 4 individus ont occupé l'espace médiatique parce qu'ils avaient voulu faire un attentat dans l'Etat de New York. Heureusement, les bombes étaient factices car elles avaient été fournies par... le gouvernement. C'est une taupe du FBI qui avait recruté et fourni le plan à ces quatre homme trouvés dans (ou aux abords - on ne sait pas) d'une mosquée, qui avaient tous fait de la prison préalablement et qui ont été convaincu de faire cet attentat à coup de shit pour l'un ou de promesses de payer les frais médicaux d'un proche pour l'autre. Histoire ahurissante qui tombait à point nommé alors que le sort de du camp de Guantanamo était débattu et qu'on inquiétait les américains à l'idée que si on fermait le centre, des terroristes pourraient être relâchés dans la nature aux Etats-Unis. Voir également ce lien. C'est ce genre d'opérations de propagande répétées ad nauseum depuis 8 ans qui ont réduit les américains à perdre leur boussole sur la torture, les conventions de Genève et le respect des règles de droit.

* N'oublions jamais la médiocrité totalement radicale de cet homme qui, non content d'avoir obtenu 5 "deferments" pour le Vietnam (exemption pour une guerre qu'il soutenait par ailleurs), a supervisé le déchaînement littéralement sadique contre certains détenus de Guantanamo (on parle de deux cas où plus de 100 waterboarding auraient été pratiqués sur deux individus différents en quelques semaines). Cheney voulait obtenir de ces détenus des renseignements sur les liens entre l'Irak et le 11 septembre. Ce véritable psychopathe a donc fait torturer des gens spécifiquement pour obtenir des confessions bidons afin de déclencher une guerre bénéficiant directement à la société qu'il venait de quitter (Halliburton). Non décidément il est vraiment ce qui se rapproche le plus dans la vraie vie de Ernst Blofeld. El Blogo s'excuse du conditionnel employé trop souvent dans cette digression sur Cheney: il s'agit d'un résumé de mémoire sur "la torture et Dick Cheney" basé sur mes lectures des dernières semaines notamment sur TPM, je n'ai pas pris le temps de rechercher pour pouvoir affirmer avec plus d'exactitude et créer des liens.
** Le fait qu'Alliot-Marie ne saute pas donne l'impression que Sarkozy ne réalise pas que c'est une affaire grave (qu'il ait été décisionnaire sur la question ou pas). Incarcérer un homme pendant 6 mois alors que tout le monde sait que les charges sont inexistantes (sinon pourquoi ses complices putatifs auraient-ils été libérés les uns après les autres?) est un acte gravissime. Si l'homme en question est un opposant politique, c'est une faute majeure. Il y a sûrement des inculpations pour la sédition ou la subversion mais ce n'est pas ce qui lui était reproché. Son incarcération est donc un scandale sans nom. A noter que j'ai vu une émission avec l'éditeur du livre qu'on impute à Coupat et qu'il est clair que l'idéologie qui s'en dégageait semblait compatible avec des actes de sabotage, voire pire. Il n'en demeure pas moins que se perdre en conjectures et tirer des conclusions à la va-vite est admissible si on écrit sur El Blogo par exemple(!), mais ça n'est certainement pas un standard acceptable quand on a le monopole de la violence légale (ce qu'El Blogo ne revendique pas - heureusement pour le postérieur d'un certain nombre de banquiers).